LE COBAYE

Je m’appelle Ingrid M. et je vous fait part de la plus incroyable expérience qui soit.

Pour commencer, je vais définir le cadre de cet essai clinique.

Je fais partie du centre d’Immunologie de mon département, dont j’ai l’honneur d’en être le chef d’équipe depuis quelques années.

J’ai étudié l’ensemble des mécanismes de défense contre les antigènes de certaines maladies ce qui a permis la guérison d’un grand nombre de patients.

En 2020, l’arrivée du Covid 19 entraîne un chaos mondial. Chaque jour, le taux de mortalité augmente, le monde médical paraît impuissant.

Personnellement éprouvée par la perte d’êtres chers, je passe le plus clair de mes jours au laboratoire, afin de trouver la solution scientifique à ce marasme.

Le challenge est de taille ! Je ne suis pas la seule à plancher sur la découverte d’un remède miraculeux.

Inlassablement je fais des expériences. J’analyse les cellules, séquence leur ADN dans l’espoir d’isoler les différents composants.

Ce matin l’étude microscopique me révèle un phénomène extraordinaire. Je suis dans un état d’excitation incroyable, mais avant de partager la nouvelle, il faut être sûre du résultat.

Les heures passent… je m’imagine déjà en conférence, prête à annoncer les retombées colossales de cette réussite. Il reste pourtant un obstacle de taille ! Comment injecter cette solution au sein d’un ADN humain, sans constituer une violation de la déontologie médicale.

Le parcours serait trop long, une idée germe dans mes pensées depuis le début d’après-midi. C’est décidé je servirai de cobaye.

Prétextant une mise au point importante dans le dépistage, je salue mes collègues et reste seule dans le laboratoire.

- Minuit : je viens de procéder à l’inoculation du sérum dans mon bras gauche. Ma tension artérielle crève le plafond, mon cœur semble sortir de ma poitrine. Je suis stressée au maximum.

- 0 h 45 : Toujours rien ! Ai-je commis une erreur ? Je me sens subitement inconsciente de vouloir jouer avec la nature…

- 1 h 15 : Je ressens des fourmillements aux extrémités de mes pieds et de mes mains. Un espoir immense s’empare de moi.

- 2 h 15 : J’ai chaud, de plus en plus chaud, je ressens le besoin de manger, des spasmes dans mon estomac ! C’est sûr il se passe quelque chose.

- 4 h 30 : Je transpire à grosses gouttes, j’ai des démangeaisons insupportables sous ma peau.

Celle-ci perd son élasticité, elle devient de plus en plus dure. J’ai peur !

- 6 h 15 : Je réprime un frisson d’horreur. La faim me tenaille… dans une pulsion, je saisis une souris dans un bocal, la mord à pleine dents lui arrachant un morceau que je recrache avidement.
Ma peau gonfle, je panique.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, je suis en train de rapetisser… mes jambes se dérobent peu à peu.

Je pense à mes enfants quoiqu’il arrive, je vous aime. Pardonnez-moi je voulais tellement trouver le remède et revenir à la vie d’avant. Je sais ! c’était le rêve d’une folle.

- 7 h du matin : La femme de ménage pénètre dans le laboratoire partiellement éclairé. Une masse se profile sur le sol !!!

Tremblante, elle cherche l’interrupteur et là, elle pousse un cri d’effroi.

Je sursaute, elle me regarde tétanisée je tiens une seringue dans ma main.

JM